mardi 5 janvier 2010

L'affaire de la main

Chapitre un : Le Croque-mort

David Palmer était croque-mort. Il portait toujours le même costume sombre qui mettait en valeur sa silhouette rachitique. Il n'était pas beau, ni même charmant. Son métier lui avait forgé un visage abrupt, osseux et légèrement inquiétant. C'était un vrai professionnel et les familles qui faisaient appel à lui ne le regrettaient jamais bien qu'il leur laisse le même souvenir un tantinet effrayant. En ce jour-là, il posait son regard de poisson mort sur la famille Baxter. Ils venaient de perdre leur grand-père et sanglotaient sur les cercueils en exposition. Comme pour chaque famille en deuil, ce qu'ils disaient étaient hachuré et inarticulé, mais David était passé maître dans l'art du langage de sangloteur et le comprenait donc aisément. Madame finit par se décider pour un modèle en chêne clair (il aimait tellement le bois) aux poignées d'or (une dernière pensée pour cet avare impénitent). David le nota et raccompagna les sangloteurs jusqu'à la sortie, les yeux embués n'aidant pas à la vision correcte du monde alentour. Une fois la commande enregistrée, il alla dans le laboratoire où dormait – oh pardon – travaillait son assistant Dexter.



Dexter Sonic, en plus de son nom étrange, avait un physique d'enfant de cœur. Le visage rond et poupin, les yeux rieurs et de belles boucles d'un blond roux lui donnaient un air adorable exaspérant. Sans oublier sa corpulence digne d'un volleyeur professionnel, mince, nerveuse qui combinée au reste, le rendaient si beau, si attirant qu'on avait envie de le tuer dès qu'on posait les yeux sur lui. Une chance pour lui, David accordait aux apparences la même importance qu'à une bande d'enfants rieurs et braillards, c'est-à-dire, aucune. Le seul petit souci qu'il avait avec lui, était sa fâcheuse tendance à s'endormir partout. Encore cette fois-ci, il le trouva assoupi sur une table de traitement. Deux ou trois raclement de gorge plus tard, Dexter tomba sur le sol avec un bruit mou.



« Encore une nuit difficile, patron, expliqua-t-il, je me suis fait poursuivre par de gros chiens ou des enfants poilus, j'ai pas bien vu. J'ai couru toute la nuit avant de me rappeler que je pouvais me cacher ici. J'ai une petite tête. »



David leva un sourcil, puis décida de ne pas lui en tenir rigueur. Les idiots ne peuvent pas se rendre compte de leur état. « De nouveaux sujets vont arriver, occupe-t-en. ». Il n'avait rien contre lui, mais il n'aimait pas rester trop longtemps dans ses parages. Toute cette bonne humeur, cette joie de vivre et cet enthousiasme, il avait peur de se faire contaminer. Il ne manquerait plus que ça, un croque-mort heureux. Quelle indécence ! David portait fièrement son allure dépressive comme un étendard.



Lorsqu'il revint à l'accueil, il découvrit que quelqu'un avait déposé un cadeau sur le comptoir : un beau cadeau crème avec un ruban rouge vif. David trouva l'objet tout à fait encombrant et terriblement inapproprié. Il se dépêcha de l'ôter de la vision des clients potentiels et alla le cacher dans le laboratoire. Pour une fois, Dexter fit une réflexion intelligente en voyant son patron essayer de planquer le paquet dans une armoire. « Vous n'allez pas l'ouvrir ? ». Interloqué, David resta figé dans son mouvement. Dexter s'approcha et saisissant un scalpel, coupa le ruban. Une carte tomba par terre. Dexter la prit et lu le message qui signait le cadeau. « Ceci est un cadeau pour vous. Je sais que vous saurez en apprécier la beauté. ». Le petit mot n'avait pas d'auteur. « J'espère que ça ne va pas devenir une habitude, c'est extrêmement gênant. ». David dissimulait mal son dégoût. Dexter, excité comme une puce, enleva le couvercle de la boîte, et - oh surprise – trouva une main.



C'était une belle main, une main de femme dont la peau semblait douce comme de la soie. La personne qui l'avait perdue devait avoir une jolie carnation de rousse. La peau était pâle et les veines légèrement bleutées. C'était une main parfaite. La seule chose qui semblait étrange venait du fait qu'elle était détachée de son corps d'origine. Alors que Dexter montrait des signes inquiétants de remontées de bile, David était pour ainsi dire fasciné. « Il faut appeler la police, burp, le FBI, burp, la garde nationale... ». Dexter conclut son énumération avec un son particulièrement disgracieux, mais David ne l'entendait pas. Il n'avait d'yeux que pour cette main.



Il resta avec elle jusqu'à l'arrivée de l'inspecteur John Flack. ( à suivre : L'inspecteur)

3 commentaires:

  1. arf, le plan net va fermer mais je kiffe le début!!! j'prend tout sur wordpad et je lis ça tonight! :)

    ma foi, j'suis trop contente d'être là!! :)

    RépondreSupprimer
  2. ça y est c'est tout lu! j'éparpille un peu les comm' si ça ne te fait rien ^^

    "Le seul fait qui semblait étrange venait du fait [...]"
    y a juste ça qui fait redondant, sinon c'est absolument génial!
    je surkiffe le polar donc inutile de dire que je suis raaaaaaaaavie d'en lire sous ta plume! ^^

    Les noms sont trop classes et déjà porteurs d'un imaginaire de "film noir", l'ambiance se pose avec une évidence jouissive et une simplicité qui conserve les deux ingrédients majeurs: le fun et l'efficacité!
    David Palmer, Dexter Sonic, John Flack...j'te l'dis direct, moi j'irai au bout du monde avec des persos qu'ont des noms pareils! :D j'espère donc sincérement que tu vas continuer, mais je ne m'inquiète pas, ça a l'air de gazer! ^^

    j'aime aussi énormément les noms de chapitres qui désignent un personnage par, disons, la facette la plus...saillante de sa personnalité! lol
    je ne sais pas pourquoi j'aime ça cela dit mais c'est le cas! lol imagine si "Le Bon, La Brute et Le Truand" s'était appelé "Blondin, Sentenza et Tuco Benedicto Pacifico Juan Maria Ramirez"! lol v'la l'horreur! ^^

    en plus, la main m'évoque lointainement un épisode de The Shield, ce qui, forcément, n'est pas pour me déplaire!

    du coup ça me fait penser à un autre auteur de comics absolument génial: Brian Michael Bendis.
    Ses trois chefs d'oeuvre: Torso, Goldfish et Jinx.
    perso, j'ai une préférence pour Torso, vertigineuse plongée dans le crime aux côtés d'Elliot Ness lancé à la poursuite du serial killer surnommé "le boucher de Cleveland" dans les années 30.
    d'ailleurs, si ma mémoire est bonne, le vrai titre de l'oeuvre c'est "Torso: A True Crime Graphic Novel".

    'fin bref, un putain de chef d'oeuvre qui te plairait beaucoup je pense. ^^

    ah! et ma foi, j'en profite aussi pour te faire part d'une de mes dernières grosses claques cinématographiques: "Arrivederci Amore Ciao" de Michele Soavi (dont tu kifferais sans aucun doute le "Dellamorte Dellamore", poème macabre d'un humour et d'une beauté à la fois singulière et extrêmement touchante).
    AAC est un véritable polar ultra noir, ultra hardcore, ultra moderne à l'image sublime, aux doubles sens démentiels...bref, là encore un chef d'oeuvre dans lequel on suit un gros gros gros connard ultra beau gosse dans ses magouilles odieuses pour être réhabilité.
    bref, un film parfait qui n'a pas eu le succès mérité! en même temps, on voit pas passer beaucoup de films italiens chez nous! et encore moins des très récents!

    donc voilà, j'en fais la pub!
    ^^

    en tout cas, l'affaire de la main m'intrigue grandement!

    RépondreSupprimer
  3. Je sais pas si tu te souviens des aventures de Lem le chat et du rougissement qu'elles avaient provoqué, mais là, c'est moi qui rougis dans la BU ! Tant de compliments me vont droit au coeur.

    RépondreSupprimer